Rappelé à Dieu le 3 Décembre 2002, son épopée avait inspiré à Pierre Schoendoerffer son célèbre roman « Le Crabe-Tambour », porté au cinéma par la suite. Il avait fait sa promesse S.D.F. en février 1938 à la troupe de Chaillot (Paris), routier à partir de 1942, il participa au Jamboree de Moisson en 1947.
Il avait bien voulu être fait Membre d’Honneur de l’ANSFAC et nous avait fait l’honneur de nous remettre solennellement notre drapeau, lors d’une cérémonie à la nécropole nationale de Notre Dame de Lorette, quelques mois avant de mourir.
Pierre Guillaume était de la race des corsaires malouins.Comme Guy de Larigaudie il aurait pu dire :
"J’ai mené l’aventure d’un bout à l’autre des cinq continents,
et j’ai réalisé, les uns après les autres, tous les rêves de mon enfance."
A ses obsèques en la Chapelle du Val de Grâce de Paris (6 décembre 2002), le Drapeau et le Bureau de l’Association étaient présents.
L’homélie fut prononcée par le R.P. Argouarc’h, en voici des extraits :
« Faute de faire le silence et de prêter l’oreille, nous risquons de ne pas entendre
le chœur des constellations qui raconte la gloire de Dieu. »
(Psaume 18)
Nous risquons de ne pas entendre le pilote, Pastor et Nauta, le Pasteur et le Pilote.
Il est des heures où il faut savoir s’arrêter et faire le point.
Le marin regarde souvent vers les étoiles car la voûte du ciel étoilé introduit la méditation.
Le Sauvetage des Catholiques du Tonkin
Pierre Guillaume restera profondément marqué par les catholiques du Tonkin. Il disait : « Qui se souvient de ces curés vietnamiens qui pleuraient en embrassant le pavillon français à l’arrière de nos bateaux ? Qui se souvient de ces jonques, de ces sampans, de ces radeaux de bambou portant des familles entières qui chantaient des cantiques ? Ils voguaient à demi immergé, vers la terre promise symbolisée par le pavillon français … Qui se souvient de toutes ces églises abordant le pavillon du Pape ? J’ai vu des réfugiés chanter les matines sur des bateaux, en actions de grâce. J’ai vu des femmes mettre un enfant au monde sur un radeau de bambou. »
Chaque paroisse avait sa bannière. C’était cela la chrétienté ! Chaque transport était un miracle. Prévue pour quatre-vingts à cent marins, la Marie-José arrivait à Haïphong avec sept cents chrétiens … le bateau gîtait mais il tenait. Plus de sept cent mille chrétiens seront sauvés par la Royale.
On se souvient du raid du Crabe-Tambour : Il remonta jusqu’à la cathédrale de Phat Diem. A lui seul, il sauvera plus de vingt cinq mille réfugiés. Il ne reçut pas la Médaille de saint Grégoire, décoration du Saint-Siège, qu’il avait pourtant méritée.
Retour d’Indochine
Le « Crabe Tambour » en revint seul, à bord d’une jonque. Pierre Guillaume cherchait encore, comme un retour aux sources, un dépouillement total. Ce dépouillement que connaît le navigateur solitaire et l’ermite au fond du désert. Il rentrait maintenant… Il faisait voile dans l’océan Indien … Il rentrait du royaume Khmer. Il regardait l’horizon comme Psichari, qui y voyait les saints, les martyrs et toute la cour céleste.
« Duc in altum : Avance au large » disait la Christ.
Après son aventure en Somalie, Pierre Guillaume apprend la mort de son frère Jean-Marie. Il revendique alors l’honneur de remplacer ce frère : Geste magnifique, Geste de chevalier. « Il n’y a pas de plus grande preuve d’amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime ! » Cet acte d’amour pour son frère, c’est aussi un acte d’amour pour la France : l’honneur de servir.
L’Algérie
Et puis c’est l’abandon de l’Algérie. Je me souviens … à Alger, j’avais quatorze ans … le massacre des harkis … la valise ou le cercueil. Le commandant Guillaume choisit le respect de la parole donnée.
« Nous sommes la jeunesse de Dieu, la jeunesse de la fidélité » disait l’officier de marine François Athanase de Charette. Une parole donnée ne se reprend pas sinon, c’est le parjure. Pierre Guillaume connaît alors les procès et la prison. Il a tout perdu. Fors l’honneur !
Quand on lui demande pourquoi il prend de telles positions, il présente son sabre à deux mains et répond :
Et la foi, monsieur le président ?
Car c’est là l’éternel combat :
De Satan contre le Christ,
De la barbarie contre la civilisation,
De la violence contre le droit,
Du mondialisme contre la patrie,
De la subversion contre le pays réel.
Et dans ce combat le commandant Guillaume tient sa place partout. Aux cotés des Karen , des Mhongs, des Vietnamiens, des harkis, des Français d’Algérie. Avec une énergie incroyable, invincible. Combien de missions a-t-il menées en Afrique et en Asie ! Sa grandeur d’âme faisait chaud au cœur. Souvenez-vous de sa joie de vivre, de son enthousiasme, de sa bonté, de son humour.
Avec l’ANSFAC
C’est ainsi que nous le vîmes à Riaumont, petit village qui résiste. Il vint inaugurer, devant cinq mille personnes, les feux de la saint Jean « Contre vents et marées, Saint Michel Rempart de la chrétienté ».
Il vint aussi devant la Basilique Notre Dame de Lorette où repose le soldat inconnu d’Indochine et d’Algérie, remettre le drapeau des scouts français anciens combattants.
Ses derniers Combats
En ces temps où toutes les valeurs fondamentales sont remises en question il disait : « Je crois à un sursaut de la France. »
Nous l’avons tous entendu porter haut les couleurs de la France et de la Royale. Pierre Guillaume avait une foi d’enfant, cette foi qui traverse les tempêtes et s’émerveille devant une bougie.
Une lumière qui n’est pas faite pour être mise sous un tonneau mais sur un chandelier, pour qu’elle éclaire tous ceux qui sont sur le navire. Et cette petite barque, il ne faut jamais l’oublier, c’est la barque de l’Église avec ses saints et ses martyrs, ses confesseurs de la foi et ses vierges. Elle s’appelle Le Lépante ou La Jeanne d’Arc …
Avec le Christ, avec l’Eglise notre mère, nous passons au milieu des épreuves et des douleurs les plus profondes. Pour le commandant et son épouse, la perte de deux enfants, la disparition de tant de compagnons et frères d’armes…
Toutes ces souffrances ne peuvent s’illuminer que par la Passion et la Résurrection du Christ. « Le péché contre l’espérance est le plus mortel de tous » dit Bernanos. Le commandant a transmis le flambeau, nous gardons l’espérance !
Notre vie a des hauts et des bas. Le Seigneur nous connaît bien. Si nous avons péché, il faut demander pardon au Christ de miséricorde. Sainte Faustine a vu deux rayons sortir du Sacré Cœur, l’un, d’argent, représente le baptême et la purification, l’autre, couleur de sang, représente l’Eucharistie.
Il faut se laisser transpercer par la Grâce. Que ceux qui se disent agnostiques se fassent enfants ! Ils seront touchés par la Grâce. Sans contrition et sans pardon, il n’y a pas de purification.
Nous sommes tous un peu comme les compagnons d’Emmaüs. Nous ne voyons pas que le Christ marche avec nous. Saint Jean Baptiste, l’éclaireur de pointe, disait : « Il y a quelqu’un parmi vous que vous ne connaissez pas. »
Le soleil se couche, la mer est sûrement très belle. « Celui qui vit en moi, même s’il meurt vivra. Et quiconque croit en moi aura la vie éternelle. »
Le Retour vers le Père
Son dernier combat, le Crabe-Tambour le mena contre la maladie. Tous, nous avons admiré son courage. Lorsque je l’ai vu, il ressemblait à un prisonnier des camps vietminhs. Vous avez reçu la communion et la bénédiction apostolique au nom de pape Jean-Paul II. J’ai senti votre cœur brûlant. Alors vous m’avez salué de façon réglementaire et j’ai répondu à votre salut au nom de tous vos amis… :
Seigneur vous l’avez endormi dans la paix certaine,Entre les bras de l’espérance et de l’amour.Ce vieux cœur de soldat n’a pas connu la haine.Pour la France et pour vous,Il a combattu avec beaucoup d’amour.Que Notre Dame d’Afrique,Que Notre Dame d’Indochine,Que Notre Dame de la Mer,Vous accueille, Commandant, avec sainte Anne.Et qu’elle étende son blanc manteau sur la France. "
R.P. Jean-Paul ARGOUARC’H, de la Sainte Croix de Riaumont