Dit le vieux loup...
Jeunesse :
Antoine Cornette est né dans une famille nombreuse de neuf enfants dont il fut le huitième. Très bon élève appliqué et travailleur, dès ses études secondaires achevées, il entra au Grand Séminaire d’Autun où malheureusement il tomba gravement malade. Il termina sa dernière année au Séminaire St. Sulpice de Paris avant d’être ordonné prêtre le 25 décembre 1887.
Infirmité :
Pour ménager sa santé, l’évêque d’Autun le nomma professeur au célèbre collège de Juilly en Seine-et-Marne. Il y resta dix ans, période au cours de laquelle il perdit progressivement l’usage de ses deux bras.
Ses doigts ayant conservé une certaine mobilité, il arrivait, en lançant ses bras inertes, à saisir pendant l’élévation à la messe, l’Hostie et le calice, comme en témoignent encore avec émotion, les scouts qui lui servirent la messe.
Il écrivait, aidé en cette tâche par le secours d’un secrétaire et le plus souvent de sa propre nièce qui devint par la suite cheftaine Chandioux au totem si expressif de « Patte de Loup » et qui fut littéralement ses mains pendant près de 40 ans.
Les Entraîneurs catholiques à Saint Honoré d’Eylau :
En 1897 on l’attacha à la grande paroisse parisienne de St. Honoré d’Eylau. Constatant que les élèves du Lycée Janson-de-Sailly n’avaient pas d’aumônier, et de fait fort peu d’enseignement religieux, Antoine Cornette fonda pour ces jeunes gens, relevant de sa paroisse, un groupement qu’il appela « la Réunion d’Eylau ».
Il fut aidé dans ce travail d’apostolat par un jeune homme dynamique et pieux à la double origine franco-brésilienne et qui s’appelait Edouard de Macédo.
Pendant la guerre l’abbé Cornette reçut la visite de deux jeunes garçons, les frères Paul et Marcel Coze, qui avaient vécu à Alexandrie en Egypte, avant et au début de la guerre. Muni du livre de Lord Baden Powell, « Scouting for boy », ils ne rêvaient plus que de fonder une patrouille scoute à Paris.Ils lui expliquèrent leur projet en lui confiant pour preuve de leurs dires le fameux ouvrage de B.P.
Frappé par la valeur éducative de ce scoutisme, malgré les préventions de l’époque, notamment à cause de la relation qui aurait existé entre le scoutisme et la franc-maçonnerie anglaise, un dimanche d’octobre 1916, après la messe, le Chanoine Cornette annonça la transformation de la « Réunion d’Eylau » en « Entraîneurs de St. Honoré d’Eylau ». Il fit en même temps la présentation d’un « scoutisme » catholique qui exalterait l’idéal religieux et patriotique (on était en guerre !), soulignant la nécessité pour les jeunes générations de créer une élite, sorte de chevalerie des temps modernes... Avant le fin de l’année 17 l’organisation du nouveau groupement était effective et sa dénomination définitivement arrêtée en « Entraîneurs catholiques de France ».
Création des Scouts de France
C’est à cette époque que le Père Sevin s.j. le rencontra après avoir fait l’expérience du scoutisme pendant la guerre dans une région occupée du Nord et surtout étudié la méthode de Baden Powell sur place, en Angleterre, dès avant 1914.
Au cours de plusieurs réunions tenues à St. Honoré avec le concours des autres expérimentateurs de scoutisme, entre mars et juillet 1920, le Père Sevin, qui avait déjà son programme, son réglement, ses insignes sa loi, ses principes, insista avec chaleur, énergie et même une certaine passion pour faire prévaloir ses idées. Un comité organisateur fut bientôt constitué sous le nom de « Scouts de France ». Finalement le général de Maud’huy accepta la présidence et ce chef prestigieux, héros des dures campagnes de 14/18, apportait à la jeune Fédération Nationale Catholique des Scouts de France l’éclat de son renom.
Aumônier général des Scouts de France :
Devenu « Aumônier général des Scouts de France » il était chargé de faire admettre ce nouveau mouvement catholique par la hiérarchie à qui un texte officiel ne suffisait pas. Pour convaincre l’ensemble de la classe épiscopale de France il ne fallait rien moins que la décision du Pape Pie XI. Le 30 mars 1922, le cardinal Gaspari adressait à l’aumônier général des Scouts de France les "encouragments du Saint Père pour la nouvelle fédération, afin qu’elle étende de plus en plus son action féconde et réalise la devise « Gesta Dei per Francos »...
Le général de Maud’huy étant mort, ce fut son ami le général Guyot de Salins qui le remplaça. Ce dernier accompagné, de l’Aumônier général entrepris la visite de tous les évêchés de France pour convaincre encore les derniers prélats hostiles au scoutisme.
Mais les résultats allaient encore plus vite que ces pélerins d’un nouveau genre et venaient démontrer que l’abbé Cornette avait vu juste. Malgré des vicissitudes et des échecs inévitables, le vieux prêtre que la dizaine de milliers de scouts déjà recrutés n’appelaient plus maintenant que le Vieux Loup, avait la joie d’apprendre les premières vocations attribuées au scoutisme.
Les honneurs, les dernières luttes et la fin
En 1929, au retour du Jamboree de Birkenhead, le « Vieux Loup » recevait la croix de Chevalier de la Légion d’Honneur pour 40 ans de ministère et 4 années de service militaire en temps de guerre.
Avec un dévouement inlassable, le chanoine Cornette s’occupait du mouvement sans prendre de repos, se trouvant partout où il pensait sa présence nécessaire. De journées nationales en pèlerinages, de diocèses en écoles, de tribunes en chaires, de Paris à Rome où il conduisit deux fois les scouts devant Pie XI au cours de pélerinages émouvants.
Le 11 août 1936, il apprenait la mort du général Guyot de Salins le vieux compagnon qui l’avait épaulé et suivi si fidèlement dans leurs tournées en faveur du scoutisme. Il tint à faire personnellement les adieux du mouvement au chef scout, du haut de la chaire de St. Anne d’Auray où étaient célébrées les obsèques. Mais le 20 août, il tombait à son tour gravement malade à Chamarande. Le 19 septembre 1936, le chanoine Cornette, Aumônier général des Scouts de France rendait son âme à Dieu.
Ses obsèques furent l’objet d’une impressionnante manifestation des scouts et guides depuis St. Honoré d’Eylau jusqu’au cimetière de Vaugirard .
De camps nationaux, comme celui de Chamarande, de journées d’études en congrès, le « Vieux Loup » exhortait toujours les scouts sur le ton qu’il avait employé à St. Honoré pour présenter les Entraîneurs de France .
« Il convenait, disait-il souvent, que dans ce pays de France qui fut, par excellence, celui de la chevalerie, on offrit à la jeunesse, que le scoutisme attire, un programme nettement catholique. C’est fait depuis juillet 1920... Si les scouts intéressent leur honneur à l’observance plus particulièrement assidue et fervente des vertus chrétiennes, ils peuvent compter sur l’avenir, un très bel avenir dans une nation qui, en dépit de toutes les vicissitudes, de toutes les révolutions, de toutes les entreprises de déchristianisation demeure profondément attachée au catholicisme. Ainsi, ils contribueront au redressement d’une race qui ne doit pas mourir, mais qui aurait pu mourir d’avoir oublié ses traditions nationales puisées au baptistère de Reims et méconnu, tant pour le bien de l’individu que pour le bien du peuple, la nécessité des vertus évangéliques »